Délais de paiement entre professionnels, que dit la loi et comment améliorer son BFR ?

Temps de lecture: 11 min.
Delphine Tarriotte et Aurélie Dantzikian Frachon du cabinet Lamy Lexel participent à cet article sur les délais de paiement entre professionnels.

Les délais de paiement, clients ou fournisseurs, pèsent lourd dans le BFR des entreprises, et donc sur leur trésorerie. Pourtant, la plupart des entreprises ignorent qu’elles peuvent utiliser la loi à bon escient pour faire jouer ces délais à leur avantage et ainsi améliorer leur besoin en fonds de roulement.

Explications par Delphine Tarriotte et Aurélie Dantzikian Frachon, avocates en Contrat Concurrence Propriété Intellectuelle dans le cabinet d’avocats d’entreprises LAMY LEXEL.

Délais de paiement entre professionnels : que dit la loi ?

Le plafonnement des délais de paiement entre professionnels, mis à jour en 2009 avec la loi LME (loi de modernisation de l'économie), est fixé par les articles L441-10 et suivants du Code de commerce.

Les règles générales sont les suivantes :

Par défaut, un délai de 30 jours

Sauf accord entre les parties, le délai de règlement est fixé à 30 jours à compter de la date de réception des marchandises ou d'exécution de la prestation.

A savoir donc que si rien n’est prévu dans vos CGV ou vos contrats avec vos clients et fournisseurs, le délai de paiement par défaut est de 30 jours à compter de la réception de la facture. Beaucoup d’entreprises ignorent qu’elles peuvent relancer leurs clients passé ces 30 jours !

Un délai maximum de 60 jours

Le délai convenu entre les parties ne peut dépasser 60 jours à compter de la date d'émission de la facture.

Si vous prévoyez des délais de paiement dans vos contrats avec vos fournisseurs, sachez donc qu’ils ne peuvent pas excéder 60 jours. Il n’est pas rare de voir passer des contrats à 90 jours : attention, c’est illégal et les sanctions sont lourdes.

Par dérogation, un délai maximum de 45 jours avec 2 modes de calcul

Par dérogation, un délai maximal de 45 jours fin de mois à compter de la date d'émission de la facture peut être convenu par contrat entre les parties. En cas de facture périodique, le délai convenu ne peut dépasser 45 jours à compter de la date d'émission de la facture.

Le mode de computation (= le calcul) du délai de 45 jours fin de mois n'est pas imposé par la loi et il est possible de le calculer de deux manières :

  • soit en allant à la fin du mois de la date de la facture puis en ajoutant 45 jours,
  • soit en ajoutant 45 jours à la date de la facture puis en allant jusqu’à la fin du mois.

Le mode de calcul retenu doit toutefois être convenu au préalable entre les partenaires commerciaux dans un contrat conclu en bonne et due forme et ce, afin d’éviter toute ambiguïté.

À lire aussi : tout savoir sur les retards de paiement

Des délais de paiement spécifiques à certains secteurs

Il est à noter qu’il existe des délais spécifiques à certains secteurs :

  • 30 jours après la fin de la décade de livraison : produits alimentaires périssables, viandes congelées ou surgelées, poissons surgelés, plats cuisinés et conserves fabriqués à partir de produits alimentaires périssables (sauf produits saisonniers acquis dans le cadre de contrats d’intégration)
  • 20 jours après le jour de livraison : bétail sur pied destiné à la consommation et viandes fraîches dérivées

30 jours après la fin du mois de livraison : boissons alcooliques passibles des droits de consommation

  • 45 jours fin de mois ou 60 jours nets à compter de la date d'émission de la facture : raisins et moûts destinés à l'élaboration de vins ou boissons alcooliques passibles des droits de circulation (sauf dispositions dérogatoires)

Comment maximiser ses délais de paiement fournisseurs ?

Un réel levier de gestion de trésorerie existe entre les 3 délais de paiement légaux maximum. Le délai de paiement à 45 jours fin de mois peut s’avérer plus avantageux que le délai de paiement à 60 jours : on peut gagner plusieurs jours, voire plusieurs semaines.

Voici un exemple illustrant ce levier :

Votre fournisseur émet sa facture le 3 avril. Selon le délai de paiement légal maximal retenu, la date de paiement est sensiblement différente :

  • délai de paiement de 60 jours date de facture : la facture devra être payée au plus tard le 3 juin
  • délai de paiement de 45 jours fin de mois, en ajoutant 45 jours à la fin du mois d'émission de la facture : la facture devra être payée au plus tard le 14 juin.

Dans cet exemple, on constate donc un écart de 15 jours entre les modes de calcul !

Cet écart peut être un réel levier en matière de gestion de trésorerie, notamment dans un souci d’amélioration de son besoin en fonds de roulement (BFR).

Vous avez donc tout intérêt à négocier avec votre fournisseur des délais de paiement avantageux pour vous. Évidemment, cela dépend aussi du rapport de force avec votre fournisseur, et des pratiques du secteur.

À lire aussi : [Comment entretenir de bonnes relations avec ses fournisseurs ?][5]

Comment optimiser ses délais de paiement clients ?

Au-delà de l’aspect purement sanction qui fait encourir un risque à toute entreprise qui ne respecte pas les délais de paiement légaux, il est impératif de bien gérer ses délais de paiement. Voici quelques recommandations du cabinet LAMY LEXEL pour optimiser votre BFR.

Ajuster les délais de paiement clients aux délais de paiement fournisseurs

C’est la règle d’or du BFR : l’objectif est de tendre vers des délais de paiement synchrones entre clients et fournisseurs pour ne pas avoir de décalage de trésorerie. C’est donc important de bien calibrer vos délais de paiement à l’égard de vos fournisseurs versus ceux de vos clients, et de ne pas avoir de gap entre les deux.

Prévoir des délais de paiement dans vos contrats

Pour vous assurer d’être payé dans les délais qui vous conviennent (idéalement un délai de paiement plus court pour vos clients que celui auquel vous vous engagez à l’égard de vos fournisseurs), vous pouvez formaliser vos délais de paiement dans vos contrats clients et fournisseurs.

Retrouvez tout ce que vous devez savoir sur le BFR dans cette vidéo :

Prévoir des pénalités de retard

Prévoyez également dans vos contrats clients des pénalités de retard qui, même si elles sont légales et donc prévues par les textes, ont un caractère plus dissuasif lorsqu’elles sont écrites.

Informer ses clients en amont

Si vos délais de paiement et les pénalités associées sont prévus dans vos conditions générales de vente (CGV), envoyez systématiquement vos CGV au moment de la formation du contrat avec votre client (lors de l’émission de votre devis, lors de la passation de la commande par le client).

Les CGV communiquées avec les factures adressées aux clients ne sont pas opposables car n’ont pas été communiquées au moment de la formation du contrat. Un article sur les pénalités de retard de paiement tel que celui figurant ci-après peut utilement être prévu dans vos CGV.

Optimiser la gestion du poste client

Enfin, la bonne gestion du BFR passe par l’optimisation du poste client : pensez à relancer les clients en retard de paiement et à automatiser le process de relance. Une autre bonne pratique peut être de demander le versement d’acomptes à la signature du contrat.

Comment inclure les délais de paiement dans ses contrats clients ?

Il est vivement recommandé dans les contrats que vous concluez avec vos clients de prévoir un délai de paiement de vos factures ainsi que des pénalités de retard de paiement, et d’en parler de vive voix avec vos prospects.

Les éléments à faire figurer dans vos contrats

Nous vous conseillons de mentionner dans vos contrats ou vos CGV (à envoyer en amont de la facturation) :

  • le délai de paiement de vos factures ;
  • les pénalités de retard de paiement ;
  • un rappel de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement afin de dissuader vos clients de payer vos factures en retard.

Exemple de clause de délais de paiement

Voici un exemple de clause qui peut utilement être insérée dans vos contrats clients pour encadrer les retards de paiement :

« Toute somme non payée à sa date d’exigibilité produira de plein droit des intérêts de retard correspondant au triple du taux d’intérêt légal et rendra exigible le paiement d’une indemnité de 40€ au titre des frais de recouvrement. Ces intérêts seront dus jusqu’au jour du règlement de la somme exigible, intérêts compris. »

Que se passe-t-il si les délais de paiement ne sont pas respectés ?

Les sociétés dont les comptes annuels sont certifiés par un commissaire aux comptes sont tenues de communiquer, dans le rapport de gestion, les informations relatives aux délais de paiement.

Le non-respect des délais de paiement est passible d'une amende administrative, étant précisé que la Loi Sapin 2 a renforcé les sanctions pour retard de paiement, lesquelles peuvent atteindre 2 millions d'euros.

Par ailleurs, la loi Pacte prévoit la publication des sanctions de la DGCCRF dans la presse, aux frais de l'entreprise, en complément à la publication sur le site internet même de la DGCCRF.

Des sanctions lourdes, renforcées pendant la crise sanitaire

En 2020, la DGCCRF a contrôlé plus de 900 établissements sur la question du non-respect des délais de paiement, dont 35 entreprises publiques et 278 entreprises ayant bénéficié d’un prêt garanti par l’Etat (PGE).

Cette même année, 182 procédures d’amende administrative, représentant au total plus de 29,9 millions d’euros ont été lancées, dont 91 décisions de sanction notifiées aux entreprises contrôlées, le tout pour un montant total d’amendes de près de 9,4 millions d’euros. Par ailleurs, 91 procédures de sanction sont en cours pour un montant de plus de 20,5 millions d’euros.

Avec le Covid-19, la DGCCRF n’a pas été plus clémente dans la réalisation des contrôles et l’application des sanctions, au contraire. Les acteurs économiques ayant pu bénéficier de plusieurs aides d’état du fait de la crise sanitaire, la DGCCRF a renforcé ses contrôles afin d’amener les acteurs à régler dans les délais les factures et ainsi éviter des risques économiques et financiers pour les créanciers.

Pénalités de retard et frais de recouvrement

Au-delà des sanctions administratives, les mauvais payeurs sont passibles de pénalités de retard de paiement et de frais de recouvrement à l’égard de leurs créanciers.

Des pénalités de retard de paiement peuvent être prévues dans les contrats étant précisé que ces pénalités ne peuvent être inférieures à 3 fois le taux d’intérêt légal. Dans le cas où rien n’est prévu entre les parties et selon les dispositions du Code de commerce, les pénalités de retard de paiement sont égales au montant impayé multiplié par le taux appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 10 points de pourcentage.

A ces pénalités de retard de paiement, une indemnité forfaitaire de 40 € pour frais de recouvrement s’applique toujours conformément aux dispositions du Code de commerce.

Que faire en cas de défaut de paiement malgré vos relances ?

A défaut de paiement de vos factures malgré vos relances, une mise en demeure d’avocat peut être opportune en fonction du montant de la créance.

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La procédure de référé

Si le défaut de paiement persiste malgré cette mise en demeure et sous réserve que la créance soit certaine, liquide, exigible et non contestée par le client, il existe une procédure rapide pour en obtenir le règlement devant le tribunal de commerce : il s’agit de la procédure de référé (environ 4 à 6 mois pour obtenir une décision).

Avec cette décision, si le client ne paie toujours pas votre facture, vos avocats peuvent le forcer à s’exécuter avec un huissier qui pourra effectuer une saisie sur ses comptes.

Par ailleurs, dans le cas où la créance est d’un montant tellement important que la santé financière de la société est en jeu, il existe la procédure de référé d’heure à heure, qui permet d’obtenir une décision sous 15 à 30 jours en moyenne. Il faut pour cela justifier d’une réelle urgence à recouvrer la créance en question.

À lire aussi : La procédure de recouvrement des créances

Le choix d’un cabinet d’avocat spécialisé

Il existe donc des solutions en cas de défaut de paiement de la part de vos clients et le cabinet LAMY LEXEL, spécialisé dans le contentieux contractuel, peut vous accompagner pour cadrer ces aspects dans vos contrats et/ou recouvrer vos créances.

Si à l’inverse, de manière exceptionnelle, vous n’étiez pas en mesure de respecter le délai de paiement de votre fournisseur, il convient de se munir des éléments justificatifs pour le cas où vous devriez subir un contrôle de la part des autorités. En cas d’un tel contrôle, le cabinet LAMY LEXEL est également en mesure de vous assister.

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