Comment les DAF contrent-ils l’impact de l’inflation sur leur marge ?

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définition et statut d'une succursale

L’année 2022 marque le retour de l’inflation à des niveaux inconnus depuis 40 ans dans toutes les régions du monde. Si pour les consommateurs français l’envolée semble brutale, en réalité les entreprises y font déjà face depuis le début de la crise Covid. La gestion de cette inflation est un nouveau défi pour les DAF, d’autant qu’elle s’accompagne d’une importante volatilité des coûts des matières premières et du transport (1). Alors comment ceux-ci s’organisent-ils pour contrer l’impact de l’inflation sur leur entreprise et sur leur marge ?

Nous allons voir que les DAF ont 4 leviers principaux pour sauvegarder leur marge : analyser la sensibilité de l’entreprise à l’inflation, augmenter les prix de vente moyens, réduire les coûts et réaliser des investissements stratégiques.

Les DAF modélisent l’impact de l’inflation, agissent et communiquent

La première action à prendre est la compréhension de l’impact de l’inflation sur l’entreprise.

Prenons une société qui réalise 10% de marge directe. Si la base de coûts augmente de 2 points soit 2,2% d’inflation, la marge tombe à 8 %, soit un recul de 20% de la marge. Les entreprises à marge faible (industrie lourde, agroalimentaire, restauration, construction) sont donc particulièrement vulnérables à la hausse des prix.

Mais le DAF va plus loin grâce à la modélisation de scénarios. Il s’agit d’étudier la sensibilité de la performance de l'entreprise en cas d’inflation extrême. Ainsi, depuis janvier 2020, le prix du bois a connu 3 cycles très courts pendant lesquels son prix a triplé avant de redescendre. Une telle inflation ne peut être totalement transférée aux clients sans quoi la demande se réduit. L’entreprise peut donc se retrouver paralysée par la hausse des prix, qui se répercute non seulement sur ses coûts, mais aussi sur son chiffre d’affaires.

Prix du bois au 1er semestre 2022 Source : Nasdaq

Une fois que l’environnement est maîtrisé et ses conséquences comprises, place à l’action. Le DAF qui veut limiter l’impact de l’inflation doit agir vite. Il s’agit donc de faire en sorte que l’entreprise opère à tous les niveaux en prenant en compte un changement durable de paradigme. En d’autres termes, le DAF n’attend pas que les banques centrales réussissent à combattre l’inflation et transmet cette urgence d’agir à toutes les parties prenantes. La Direction peut immédiatement s’appuyer sur les études d’impact réalisées par le DAF pour déterminer les actions à prendre.

Maintenant que l’effet de l’inflation est compris et que les premières actions sont engagées, le DAF a toujours un rôle clé à jouer en suivant l’impact de ces actions et en veillant à responsabiliser les parties prenantes. De la même façon que le DAF diffuse la “culture cash” dans l’entreprise, il crée en quelque sorte une “culture inflation” à tous les niveaux (achats, direction, commerciaux, production, service client, support). Il lui appartient ensuite de mettre à jour ses scénarios en fonction de l’évolution de l’environnement, nourrir en conséquence la prise de décision de la Direction, et veiller à ce que les actions aient les résultats attendus.

Ainsi, avant même d’avoir décidé d’une hausse des prix ou renégocié un contrat fournisseur, le DAF a déjà un impact sur la protection de sa marge. Et justement, il peut ensuite accompagner l’augmentation du prix de vente.

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Les DAF transfèrent la hausse des prix sur leurs clients

Augmente-t-on les prix des contrats en cours ou seulement des nouveaux contrats ? Quelle hausse est acceptable pour nos clients avant qu’ils décident de résilier leur contrat ou que les prospects ne signent pas ? Voici des questions auxquelles le DAF peut répondre, avec l’aide du service client et commercial. Cela permet de déterminer les segments de clients sur lesquels l’entreprise peut transférer tout ou partie de la hausse de son prix de revient.

Prenons l’exemple d’une société dont le business-model repose sur la vente d’un abonnement. Elle augmente son prix de vente pour ses prospects et voit le nombre de nouveaux clients chuter de 30 %. En fonction du montant de la hausse du prix, le chiffre d’affaires additionnel peut demeurer constant. Ensuite, le DAF peut montrer que ces clients perdus auraient en réalité dégradé la marge de l’entreprise dans ce contexte d’inflation des coûts. Il s’agissait donc d’une bonne décision pour protéger la marge.

Le DAF aide donc l’entreprise à se concentrer sur ses segments les plus rentables et à abandonner ceux sur lesquels sa marge est la plus faible. Cela a été visible ces dernières années dans l’automobile (2). Les constructeurs se concentrent sur leurs modèles premium, dont ils augmentent le prix de vente, et retirent de leur catalogue les modèles d’entrée de gamme sur lesquels la marge est plus faible.

Le DAF aide également l’entreprise à décider des meilleures méthodes pour transférer la hausse des prix sur ses clients. Un exemple bien connu dans la grande distribution est la “shrinkflation”. Comment augmenter de 20 % le prix de vente d’un paquet de chips sans que les consommateurs ne s’en aperçoivent ? La solution consiste à maintenir le prix de vente mais diminuer la quantité vendue. Le paquet de chips coûte toujours le même prix mais ne pèse plus que 830g contre 1 kg avant la hausse du prix. Le paquet étant toujours gonflé d’air, son volume dans le rayon demeure le même donc le consommateur ne réalise pas que les prix ont augmenté.

Une autre méthode consiste à tempérer la politique de promotion pour limiter son impact sur la marge. On préfère ici vendre peut-être moins, mais plus cher. Le transfert ne se fait pas sur le prix de vente catalogue mais sur le prix de vente réel. Cette dernière méthode est d’autant plus prometteuse lorsque l’entreprise ne vend pas en direct mais au travers d’intermédiaires, puisque l’on se retrouve souvent avec une cascade de remises et promotions jusqu’au consommateur final (3).

Enfin, le DAF alimente la communication avec les clients et prospects sur la hausse des prix. Il collabore pour cela avec le marketing et la force de vente. L’objectif est de limiter le départ de clients suite à une hausse des prix, en expliquant par exemple l’importance de l’augmentation du coût de revient de l’entreprise et en montrant au client qu’il ne subit qu’une petite partie de cette hausse, l’entreprise faisant son maximum pour l’épargner.

Prenons pour exemple la célèbre marque d’eau minérale Cristalline, dont la maison mère Alma a largement communiqué sur la récente augmentation de 0,015€ du prix par bouteille, soit 12% de hausse, justifiée par l’inflation sur le transport, l’énergie et le plastique. Tout en promettant de faire machine arrière une fois leur base de coût revenue à des niveaux plus sages.

Par le transfert de tout ou partie de la hausse des coûts sur le client final, le DAF aide l’entreprise à sauvegarder sa marge. Mais lorsque cela n’est pas possible ou dans des proportions trop peu importantes, il doit alors tout faire pour réduire les coûts.

Les DAF engagent un cost-cutting agressif

Ils commencent par une revue de tous les coûts de l’entreprise. Faire la lumière sur les coûts cachés est ici essentiel (par exemple le réseau de distribution qui est externalisé). Tout comme l’accès à la donnée, donc notamment aux contrats. Cela peut constituer un premier défi, en particulier dans les PME qui n’ont pas de service achats proprement structuré. Cette analyse permet de déterminer les actions à prendre immédiatement pour limiter la hausse des coûts.

Les DAF renforcent ensuite le contrôle des dépenses. Ils peuvent baisser le seuil d’approbation des dépenses, ou en instaurer un. Ils quittent ici la comptabilité pour être au plus proche du cash et avoir une vue en temps réel sur les dépenses. Raisonner par le cash permet d’être beaucoup plus réactif aux variations des coûts.

Ils éliminent après toutes les dépenses inutiles ou non essentielles. La méthode du zéro-based budgeting est ici particulièrement efficace pour s’assurer de remettre en question l’utilité de chaque euro dépensé. Nous y avons consacré un article, si ce concept est nouveau pour vous. Les pistes ici sont trop nombreuses pour être citées toutes : repousser le renouvellement du parc informatique, supprimer des logiciels en doublon, annuler un séminaire, limiter les déplacements, etc.

Au-delà de l’élimination de certaines dépenses, les DAF renégocient les contrats fournisseurs. Ils contribuent à cartographier une vision exhaustive de la supply chain de l’entreprise et à la mise en concurrence des fournisseurs pour optimiser la base de coûts. Ils peuvent ensuite jouer sur les caractéristiques du contrat pour limiter la hausse des prix : allongement de la durée de livraison, réduction des délais de paiement, etc. L’augmentation des stocks, donc des quantités achetées, est aussi un levier utilisé pour fixer un prix d’achat et ne pas subir sa hausse. Elle n’est cependant pas indolore pour l’entreprise puisqu’elle comporte des coûts et n’est pas toujours possible. Les DAF peuvent aussi acheter des options d’achat sur les marchés financiers.

Avec l’aide du contrôle de gestion si cette fonction existe dans l’entreprise, les DAF ciblent également les composants les plus chers dans le processus de production. Cela permet de prioriser les échanges avec les fournisseurs sur ceux qui ont le plus d’impact sur la base de coûts. Les DAF transmettent cette information aux équipes chargées de la conception du produit ou du service pour qu’elles développent des alternatives moins coûteuses ou dont le coût est moins volatil.

Enfin, les DAF aident les RH à optimiser la masse salariale, qui est souvent l’un des premiers postes de dépenses d’une entreprise. Il y a ici plusieurs leviers qu’on peut citer : ralentir ou geler les embauches, rompre les contrats des freelances, ne pas reconduire les CDD, convertir dans la mesure du possible les augmentations de salaire en nature pour économiser les charges sociales, ou encore mener un plan social (et toutes ses variantes). Ces décisions comportent toutes des coûts financiers et organisationnels conséquents que le DAF aide à mettre en lumière. Elles ne sont pas non plus neutres sur l’image de l’entreprise ni sur la performance des salariés qui restent. Il faut en effet prendre garde à ce qu’elles ne démotivent pas les salariés et doivent donc s’accompagner de communication et d’investissement dans les salariés qui restent.

Le cost-cutting et la hausse des prix permettent donc aux DAF de contrer l’impact de l’inflation sur leur marge. Ils ont également un dernier levier avec les investissements de l’entreprise.

Les DAF investissent pour protéger la marge

Les DAF évaluent les options d’endettement de l’entreprise. Dans de nombreux cas, les taux d’intérêt sont encore inférieurs à l’inflation, ce qui crée des conditions favorables à l’endettement. Ce n’est bien sûr pas le seul élément à prendre en compte, puisqu’il faut aussi modéliser le rendement attendu de l’investissement. Cela peut au contraire inciter le DAF à repousser un investissement trop incertain ou dont le ROI tarderait trop à se réaliser.

Les DAF optimisent également leur trésorerie disponible en la plaçant. Les gains obtenus de ces placements, même s’ils sont souvent inférieurs à l’inflation, permettent toutefois d’en limiter l’impact sur le pouvoir d’achat de l’entreprise. Nous avons d’ailleurs écrit un guide sur les placements de trésorerie si vous voulez creuser le sujet.

Enfin, les DAF peuvent décider de l’acquisition d’un concurrent ou d’un fournisseur. L’inflation fragilise tous les maillons de la chaîne de valeur, ce qui ouvre des opportunités d’acquisition. Reprenons une dernière fois l’exemple de l’industrie du bois. L’explosion du prix des matières premières a été en grande partie la résultante d’une offre trop inférieure à la demande. Une société produisant du laminé peut ainsi décider d’acquérir une scierie et des forêts. Ce faisant, elle ne subit plus l’inflation et surtout elle conserve l’accès à une matière première essentielle à son activité, tout en privant ses concurrents de cette ressource.

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En conclusion, les DAF jouent un rôle majeur dans la réponse des entreprises à l’inflation pour leur permettre de sauvegarder leur marge.

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Notes :

(1) Le coût du transport maritime a été multiplié par 4,5 entre janvier 2020 et mai 2022 (Statista). Rappelons que près de 90% des marchandises circulent par voie maritime.

(2) Voir par exemple cet article de Challenges sur le sujet.

(3) Voir sur le sujet cette étude de McKinsey.


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