Hausse des coûts de l’énergie des entreprises françaises : impact à retardement en 2023 !

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L’année 2022 a vu les marchés de gros de l’énergie faire les gros titres avec des prix du gaz européen multipliés par près de 4 entre janvier et août 2022, entraînant à leur suite ceux de l’électricité, multipliés par 10 sur la même période.

Les pics des marchés de l’énergie ne se sont que partiellement répercutés sur les entreprises françaises

D’après le Panorama des coûts de l’énergie des entreprises françaises réalisé par Agicap, les décaissements d’énergie réellement constatés par les entreprises n’ont eux augmenté que de 51% en moyenne entre 2022 et 2021.

Certes, ils semblent suivre les dynamiques trimestrielles des marchés de gros, à +38% au T1, +29% au T2, +66% au T3 et +70% au T4, sans toutefois en atteindre le niveau.

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Parmi le panel interrogé pour notre étude, 19% ne constatent aucune augmentation de leurs coûts d’énergie sur 2022, et 50% une augmentation inférieure à 100%. Seuls 22% ont vu leur facture plus que doubler comme certaines PME et d’ETI dont la situation a été relayée sur les réseaux sociaux ou dans la presse.

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De ce découplage significatif entre l’évolution des marchés de gros de l’énergie et celle des décaissements réels des entreprises, nous concluons que l’emballement connu sur les cours en 2022 ne s’est pour le moment répercuté que très partiellement sur l’économie réelle.

Les modalités contractuelles amortissent les évolutions des marchés de gros de l’énergie

Le décrochage entre l’évolution des marchés de gros et celle des décaissements réels d’énergie des entreprises s’explique d’abord par un effet retardateur de certaines modalités contractuelles.

Il existe plusieurs types d’offres de fourniture d’énergie :

  • Les offres dites de marché indexées sur les marchés : 11% des répondants de notre panel
  • Les offres dites de marché à prix fixes : 36% des répondants de notre panel
  • Les tarifs réglementés : qui ne concernent plus que certaines TPE.

Nous allons détailler comment la construction de ces modalités contractuelles atténue, a minima un temps, la répercussion des prix de marché sur les entreprises qui les ont souscrites.

Les offres de marché indexées sur les marchés

Les offres de marché indexées sur les marchés peuvent fluctuer mensuellement, comme leur nom l’indique, au gré de l’évolution des marchés de l’énergie. Néanmoins, cela ne concerne pas 100% du volume de l’énergie consommée, mais seulement une part d’environ 30%, et ce en vertu du dispositif dit ARENH.

L’Accès Régulé à l’Energie Nucléaire Historique, instauré par la loi NOME en 2010 jusqu’en 2025, permet aux fournisseurs d’énergie autres qu’EDF d’accéder à l’énergie produite par les centrales nucléaires à un tarif de 42€/MWh. Les fournisseurs émettent une demande d’ARENH en fonction de la consommation de leurs clients, et se voient attribuer une certaine quantité d’ARENH. Depuis 2018, l’ARENH disponible ne permet de couvrir que 70% de la demande des fournisseurs, qui doivent donc compléter leur approvisionnement directement sur les marchés, au tarif en vigueur.

Même si insuffisante, la part d’ARENH est toutefois facteur de stabilisation des prix, y compris pour les offres de marché indexées sur les marchés.

Les offres à prix fixes, protectrices en cours de contrat, à double tranchant au renouvellement

Les offres de marché à prix fixe négociées avant l’emballement des cours en 2022 ont contribué à mitiger l’augmentation des coûts de l’énergie sur l’année, avec une protection totale pour les entreprises en cours de contrat et un aléa fort pour celles qui arrivaient à échéance dans l’année.

En octobre 2022, seules 18% des entreprises devaient renégocier leur contrat à prix fixes arrivant à échéance avant la fin de l’année, et 41% d’entre elles, en 2023 d’après une étude de la CPME (Confédération des Petites et Moyennes Entreprises), confirmée par l'étude Agicap. Comme structurellement, les renouvellements sont 4 fois plus nombreux au premier trimestre que sur les trimestres suivants, d’après une étude de la CRE (Commission de Régulation de l’Energie), le grand soir des renégociations se situe donc en amont du 1er janvier 2023. Son impact n’était donc pas encore visible sur les décaissements d’énergie des entreprises en 2022 dans le cadre de notre étude.

Les aides de l’Etat comme le bouclier tarifaire des TPE ont montré leur efficacité

Autre facteur d’atténuation des variations des marchés en moyenne, certains dispositifs mis en place par l’Etat comme le bouclier tarifaire pour les TPE ont joué à plein leur rôle d’amortisseur.

A l’origine pensé pour les particuliers et étendu aux TPE en octobre 2022, le bouclier tarifaire a limité l’augmentation des tarifs de l’électricité à 4% en 2022 (en lieu et place de 35%). La mesure a ensuite été prolongée jusqu'au 31 décembre 2023, avec une augmentation des tarifs limitée à 15% applicable au 1er février 2023 (en lieu et place de 120%). C’est l’Etat qui se substitue aux TPE pour le paiement du reste à charge auprès des fournisseurs d’énergie, limitant donc les décaissements directement engagés par les entreprises.

D’après l’étude d’Agicap, l'évolution du montant moyen des décaissements d'énergie des TPE ressort donc à +33% entre 2021 et 2022, avec +24% au T1, +17% au T2, +38% au T3, +53% au T4. Quand bien même la hausse des décaissements d’énergie accélère encore au T4-2022 pour les TPE, elle est de 21 points inférieure à celle qui touche les PME et les ETI. Ce qui illustre l’impact de ce dispositif, notamment pour les entreprises équipées de contrats à prix de marché.

Indice des dépenses d'énergie par taille d'entreprise en 2022 (base 100 = T1 2021)

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De nombreux palliatifs dont les entreprises doivent se saisir pour affronter 2023 et préparer 2024

Quand bien même l’année 2023 commence sous de meilleurs auspices avec une détente certaine sur les marchés de gros européens de l’énergie, il serait trompeur voire dangereux de considérer que le pire est passé.

Au contraire, la majorité de l’impact se fera ressentir en 2023 au gré des renouvellements de contrats et ce, indépendamment des conditions météorologiques et des trajectoires géopolitiques.

Pour Philippe Cheron, Directeur général France d’Agicap, “l’heure n’est pas au soulagement, mais plus que jamais à la préparation. Les entreprises doivent anticiper et gérer le risque énergie au niveau des directions générales, avec l’appui métier des achats et sous le contrôle des directions financières, car c’est de la préservation de leurs marges, voire parfois de leur survie qu’il s’agit. D’autant que de nombreux palliatifs à une éventuelle fièvre des marchés existent, à court terme comme à moyen et long termes. Aux entreprises de s’en emparer !”

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Notre méthodologie

Agicap est la solution de gestion de trésorerie n°1 en Europe avec plus de 6000 PME et ETI clientes.

Dans le cadre de notre Panorama des coûts de l’énergie des entreprises françaises, nous avons recruté un panel de clients français volontaires, dont nous avons agrégé les données bancaires de manière sécurisée et anonymisée, comme nous le faisons dans le cadre du produit que nous fournissons. Notre indicateur d’évolution des décaissements réels d’énergie des entreprises a été calculé sur cette base. Un panel de dirigeants et directeurs financiers complète cette étude quantitative réalisée en partenariat avec Opéra Energie.


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