Crise de l'énergie : l'industrie au premier rang des impactés

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D’après une étude menée par Agicap, les coûts des entreprises françaises liés à l’énergie ont augmenté de 51% entre 2021 et 2022. Pour l'industrie, secteur le plus touché, la hausse se chiffre elle à +133%. À comparer aux indices de référence des prix du gaz européen, qui ont eux été multipliés par près de 4 entre janvier et août 2022, entraînant à leur suite ceux de l’électricité, multipliés par 10 sur la même période.

Tous les secteurs ne sont pas impactés au même titre par la hausse des coûts de l’énergie

Tous les secteurs ne sont pas impactés au même titre par la hausse des coûts de l’énergie. Et ce, en raison du poids de l’énergie dans leur structure de coûts d’une part, et des difficultés à mettre en place des palliatifs pour réduire la consommation et donc les coûts d’autre part. Parmi les plus affectés, l’industrie, la restauration et la construction. A l’inverse, les services aux entreprises ou le commerce font partie des moins affectés en moyenne.

Panorama énergie graphe page 10

  • Sur l’industrie, l'évolution 2022 vs 2021 du montant moyen des décaissements d'énergie par entreprise ressort à +133% avec +15% au T1, vs +38% au T2, et un emballement à +201% et +253% sur les trimestres suivants. La part des décaissements d’énergie dans la structure de décaissements totaux progresse de 72% en 2022 avec une large accélération sur la deuxième partie de l’année (+89% et +174% vs N-1 au T3 et au T4, soit une progression 10 à 20 fois plus rapide qu’au T1)
  • Sur la restauration l'évolution 2022 vs 2021 du montant moyen des décaissements d'énergie par entreprise ressort à +34% avec +46% au T1, vs +32% au T2, +26% et +33% au T3 et T4. L’évolution est donc légèrement surpondérée en début d’année, mais relativement lissée. La part des décaissements d’énergie dans la structure de décaissements totaux progresse de 2% en 2022 avec une décoissance au T1 (-17%), compensée par de légères augmentations aux trimestres suivants (+1%, +3%, +9%).
  • Sur la construction, l'évolution 2022 vs 2021 du montant moyen des décaissements d'énergie par entreprise ressort à +71% avec +125% au T1, vs +108% au T2, +40% et +44% au T3 et T4. L’évolution est donc totalement à l’inverse des mouvements des marchés de gros. La part des décaissements d’énergie dans la structure de décaissements totaux progresse de 42% en 2022 avec une large accélération sur la première partie de l’année (+104% et +59% vs N-1 au T1 et au T2)

Les solutions que les industriels mettent en oeuvre à court terme pour compenser la hausse des coûts de l’énergie

Pour les industriels, des augmentations de prix qui n’absorbent pas la hausse des coûts de l’énergie

D’après notre panel, seuls 31% des entreprises ne prévoient pas d’augmenter leurs prix face à la hausse des coûts de l’énergie. 38% des entreprises sondées les ont augmentés dès 2022, 31% prévoient de le faire en 2023, et ce pour mitiger l’impact sur leur marge.

A noter que des augmentations de prix ont également été pratiquées par 60% des entreprises qui ne constatent pas d’augmentation de leurs coûts d’énergie, sans doute pour compenser l’impact de l’inflation sur leurs coûts de production.

Deux possibilités pour augmenter les prix : soit augmenter les prix unitaires des prestations ou marchandises, soit ajouter un montant pied de page ou index énergie, ce qui a pour mérite d’être plus transparent et réversible facilement.

Pour les entreprises qui ont augmenté leur prix, la hausse est inférieure à 10% dans 50% des cas, comprise entre 10 et 15% dans 42% des cas et supérieure à 15% dans 8% des cas.

Panorama énergie prix

Dans la plupart des cas, l’augmentation des prix ne compense pas celle des prix de l’énergie. La plupart des entreprises ont donc dû faire des compromis entre préservation de leurs relations commerciales et de leurs marges.

Décaler les horaires de production

Les entreprises industrielles peuvent être amenées à décaler leur production la nuit à l’heure où la consommation d’énergie est plus faible et donc les prix moins importants.

Citons l’exemple des aciéries Ascométal et Setforge à Hagondange, en Moselle, dont les factures ont été initialement multipliées par 3,75 en 2022 suite à l’envolée des marchés. Le décalage nocturne de la production en novembre et décembre 2022 a permet de diviser l’enveloppe par 2, et donc de ne subir qu’une augmentation de 87,5% de leurs coûts de l’énergie.

Participer à des programmes de délestage

Les autorités de gestion des réseaux d’énergie doivent en permanence équilibrer production et consommation, sous peine d’un black-out généralisé. Lorsque la consommation atteint un pic que la production ne peut pas couvrir, ces autorités coupent le courant à des entreprises volontaires pour compenser. On parle pour ces programmes d’interruptibilité ou de délestage. Le client qui accepte de réduire sa consommation est dédommagé par le fournisseur. En France, RTE passe ainsi un appel d’offres sur toute l’année 2022 portant sur 1131 MW. Dans ce cadre, RTE peut interrompre la livraison d’électricité au site en moins de 5 secondes. Ce sont donc réellement des dispositifs centrés sur le temps réel et dont l’impact est difficile à chiffrer a priori.

En revanche, une étude parue en 2022 dans la revue Renewable and Sustainable Energy montre ainsi le potentiel d’économies pour les industries gourmandes en énergie a posteriori. En souscrivant à un programme de délestage et donc en coupant et rallumant régulièrement son usine à fusion d’aluminium, un industriel peut réduire de 20% sa consommation d’électricité et de 34% sa facture d’électricité, grâce aux dédommagements.

Arrêter ou réduire volontairement la production

C’est une décision radicale mais parfois nécessaire pour la survie des entreprises : réduire voire arrêter la production car il n’est plus rentable de continuer, et bénéficier de dispositifs comme le chômage partiel pour les salariés.

Citons parmi les exemples récents le groupe de conserverie et plats préparés Cofigeo (marques William Saurin, Zapetti, Garbit), qui a stoppé ses lignes en janvier 2023 pour un mois après avoir vu ses factures annuelles de gaz et d’électricité s'envoler de 4M€ à 40M€ entre 2021 et 2022. Autres exemples à l’automne 2022 : le fabricant de verres Duralex ou le fabricant d'engrais et d’ammoniac Borealis, dont le gaz naturel représente 80% des coûts de production.

D’après le baromètre du Mouvement des Entreprises de Taille Intermédiaire (METI), 12,5% des ETI ont dû s’y contraindre avant fin 2022 et 17% l’envisageaient.

En 2022, 16% des répondants du panel ont dû arrêter ou réduire leur production et 3% l’envisageaient pour 2023. A l’inverse, la mesure était exclue pour 69% des répondants.

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Notre méthodologie

Agicap est la solution de gestion de trésorerie n°1 en Europe avec plus de 6000 PME et ETI clientes.

Dans le cadre de notre Panorama des coûts de l’énergie des entreprises françaises, nous avons recruté un panel de clients français volontaires, dont nous avons agrégé les données bancaires de manière sécurisée et anonymisée, comme nous le faisons dans le cadre du produit que nous fournissons. Notre indicateur d’évolution des décaissements réels d’énergie des entreprises a été calculé sur cette base. Un panel de dirigeants et directeurs financiers complète cette étude quantitative réalisée en partenariat avec Opéra Energie.


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