Comment gérer un abandon de poste ?

Un salarié qui ne revient plus travailler du jour au lendemain ? Aucune réponse à vos multiples sollicitations ? Alors c’est que vous êtes probablement face à un abandon de poste. Mais de quoi s’agit-il au juste ? Comment réagir face à une telle situation ? Panorama d’une pratique qui fait tâche d’huile.
Dans cet article
- Abandon de poste : définition
- Modèle de lettre de mise en demeure pour abandon de poste
- Qu’est ce que n’est PAS un abandon de poste
- Motivations principales de l’abandon de poste
- Conséquences de l’abandon de poste pour le salarié
- Comment réagir face à un abandon de poste
- Est-t’il possible de remplacer le salarié immédiatement ?
- Que faire si l’employé revient travailler ?
- Conclusion
Abandon de poste : définition
Il faut déjà savoir qu'aucune définition juridique légale n’existe aujourd’hui dans le Code du travail pour caractériser l’abandon de poste. Dans les faits, l’abandon de poste peut se définir comme l’absence injustifiée et volontaire d’un salarié à son poste de travail temporairement ou de manière définitive et pour laquelle l’employeur n’a pas non plus donné son accord.
Modèle de lettre de mise en demeure pour abandon de poste
Voici un exemple de lettre au format Word pour une mise en demeure pour abandon de poste de la part d'un de vos salariés. Cliquez directement sur le lien ci-dessous pour le télécharger.
Télécharger le modèle de lettre de mise en demeure pour abandon de poste au format Word

Qu’est ce que n’est PAS un abandon de poste
Abandon de poste et absence justifiée : bien faire la distinction
Parfois, un salarié peut abandonner son poste sous certaines circonstances qui ne constituent pas une faute grave : les deux causes les plus courantes sont soit que l’employeur a lui-même commis une faute à son égard (souvent le non paiement du salaire) soit qu’un cas de force majeure l’a obligé à quitter précipitamment son lieu de travail (accident d’un proche, décès, ou maladie) sans qu’il ait forcément la possibilité d’informer directement son supérieur hiérarchique.
Droit de retrait vs. abandon de poste : pourquoi ce n’est pas la même chose
Un salarié peut exercer son droit de retrait s’il estime qu’il est ou a été confronté à un danger mettant en danger sa santé ou sa vie. Dans ce cas, il n’y a pas de sanction possible, et l’employeur doit continuer à payer le salaire de l’employé quoi qu’il arrive. Si cependant il apparaît par la suite que l’employé a usé de manière abusive de son droit de retrait, l’employeur peut opérer une retenue sur son salaire. L’abandon de poste peut de son côté être décidé pour bien d’autres motifs ; quoi qu’il en soit dans ce cas l’employeur n’a plus à verser le salaire à l’employé ayant “déserté”.
L’abandon de poste et la démission : les différences
Si la démission peut se rapprocher de l’abandon de poste dans la mesure où elle résulte de la volonté du salarié de quitter l’entreprise pour laquelle il travaille, des différences majeures sont à prendre en compte.
La démission est un processus conventionnel initié par le salarié : il est dans l’obligation d’émettre clairement sa volonté de mettre fin à son contrat de travail et d’en expliquer la ou les causes. Le salarié doit ensuite respecter un préavis, dont la durée dépend de la convention collective ou des usages pratiqués dans la localité et dans la profession.
Dans le cas d’un abandon de poste, le salarié se contente de ne pas venir sur son lieu de travail, sans justifier son absence et ne donne pas nécessairement de suites.
Motivations principales de l’abandon de poste
Mauvaise pratique, l’abandon de poste comporte pourtant un certain nombre “d’avantages” qui poussent parfois des salariés à y recourir :
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Dans certains cas, l’abandon de poste peut permettre au salarié de bénéficier des indemnités chômage versées par Pôle Emploi, contrairement à la démission (dans ce cas les indemnités ne sont perçues que dans des cas exceptionnels).
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C’est une solution de facilité qui permet au salarié de se libérer du jour au lendemain sans avoir à en informer son employeur, ce qui en fait une option extrêmement rapide pour qui souhaite. Aucune formalité administrative ou juridique n’est liée à l’abandon de poste, contrairement à la démission ou à la rupture à l’amiable.
Conséquences de l’abandon de poste pour le salarié
Arrêt de versement du salaire
Souvent ignoré par les personnes utilisant l’abandon de poste, c’est pourtant une constante à prendre en considération : à partir du moment ou l’abandon de poste est constaté par l’employeur, ce dernier peut décider ne plus verser le salaire à son employé. En revanche il doit continuer à envoyer des bulletins de salaire tant que le salarié reste lié à l’entreprise par son contrat de travail, même si leur montant est de 0€.
Pas d’indemnités de licenciement immédiates
Le salarié abandonnant son poste ne peut pas bénéficier des indemnités de licenciement immédiatement. Il doit en effet attendre la fin de l’éventuelle procédure de licenciement afin d’être en droit de les toucher, qui peut être relativement longue dans certains cas. C’est donc une problématique potentielle à prendre en compte pour un salarié abandonnant son poste mais désirant prendre du temps pour trouver un nouveau travail dans l’intervalle.
Un licenciement tardif ou inexistant
L’employeur dispose en effet d’un délai de deux mois maximum pour réagir et licencier un salarié pour abandon de poste. Très concrètement, durant toute cette période, si l’employeur souhaite “punir” son salarié, il peut très bien faire durer les choses et démarrer la procédure de licenciement au tout dernier moment. Et tant que l’employé est lié à son ancien employeur par son contrat de travail, il ne peut pas s’engager auprès d’une nouvelle entreprise. Dans certains cas, un employeur ira même jusqu’à ne pas lancer de procédure de licenciement ! C’est en revanche une manière de faire assez risquée, puisque le salarié peut par la suite assigner l’entreprise aux Prud’hommes pour l’avoir empêché de retrouver un travail.
Devoir dédommager son ancien employeur
Dans certains cas, si le travail de l’employé était essentiel au bon fonctionnement de l’entreprise par exemple, le dirigeant peut entamer des poursuites judiciaires. A l’issue de ces dernières, l’employé ayant abandonné son poste peut être condamné par un juge prud’homal à payer des dommages et intérêts plus ou moins élevés en fonction du préjudice subi par son ancienne entreprise.
Comment réagir face à un abandon de poste

Un salarié volatilisé, plus de nouvelles de lui, et du travail qui s’accumule. L’abandon de poste est une hypothèse crédible. Mais attention, il est nécessaire de procéder méthodiquement en suivant 3 étapes bien distinctes afin de ne pas vous retrouver dans votre tort.
Etape 1 : Essayer de contacter le salarié par tous les moyens
Si un beau matin vous ne voyez pas un employé et qu’il ne vous a pas prévenu, soyez patient : il dispose de 48 heures pour vous justifier son absence. Ce qui peut parfois être pris pour un abandon de est dans certains cas lié à des problèmes importants liés à un malheureux concours de circonstances.
Exemple : Votre employé ne se présente pas au bureau depuis 2 jours et nous n’avez pas de ses nouvelles. Vous réussissez toutefois à en apprendre plus par le biais de sa famille qui vous indique qu’il a attrapé la grippe. De surcroît, il n’avait pas enregistré un seul numéro de l’entreprise et était dans l’incapacité d’envoyer un mail du fait de son état de santé. A partir de ce moment là, il est question d’un arrêt maladie. Il doit quand même vous fournir un certificat d’arrêt de travail dans les plus brefs délais afin de régulariser sa situation.
Dans un premier temps, mettez tout en oeuvre pour vous entretenir avec lui sur les raisons de son absence. Si vous ne parvenez pas à le joindre ou à obtenir une quelconque réponse, alors élargissez votre cercle de recherche.
Pour en savoir plus donc, n’hésitez pas à recourir à ses proches collègues de travail, et éventuellement à ses amis ou sa famille si vous parvenez à les contacter. Cela permet d’éviter les incompréhensions menant à des tensions inutiles.
Etape 2 : Envoyer une mise en demeure
Les 48 heures sont écoulées et vous n’êtes pas parvenu à joindre l'employé manquant ? Dans ce cas, il vous faut passer à l’étape suivante : ici plus question de prendre des nouvelles, vous devez lui demander de reprendre son travail dans les plus brefs délais ainsi que de vous expliquer la raison de son absence prolongée. Pour cette opération, vous pouvez envoyer une lettre de mise en demeure en recommandé avec accusé réception à l’employé. Il est par ailleurs fortement recommandé de mentionner la date de début de l'absence.
En outre, nous vous conseillons de mettre l’accent sur le fait qu’à aucun moment vous n’avez donné votre accord pour cette absence et qu’aucune justification n’est venue régulariser sa situation. D’autre part, pour accroître les chances de réponse, vous pouvez également préciser en quoi son absence pénalise l’activité de l’entreprise.
Si le collaborateur absent était un bon élément, présent depuis longtemps dans l’entreprise et qu’il ne présentait aucun signe de mécontentement susceptible de le faire abandonner son poste, n’hésitez pas à renvoyer une seconde lettre de mise en demeure. Il peut arriver dans des cas très rare que la personne ait à surmonter des événements particulièrement douloureux qui l’empêchent parfois de vous répondre directement.
Etape 3 : Engager une procédure disciplinaire
Si tous vos courriers sont restés sans réponse dans les 15 jours suivant l’envoi de la mise en demeure, il vous est possible d’entamer une procédure disciplinaire de licenciement à l’encontre du salarié manquant. Vous devez par contre agir rapidement puisque au-delà de 2 mois sans actions de votre part, vous ne pourrez plus sanctionner ni licencier le salarié pour faute grave.
Attention, il y a une procédure stricte encadrée par la loi pour licencier un employé. A ce titre, il est vivement recommandé de vous faire accompagner par un professionnel expert du sujet (avocat spécialisé en droit du travail, expert-comptable, conseiller en gestion, etc.). Voici les principales étapes pour engager une procédure disciplinaire suite à un abandon de poste :
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La première chose à faire est d’envoyer une convocation l'entretien préalable au licenciement. Généralement, c’est la procédure de licenciement pour faute grave qui est mise en oeuvre (à cause du préjudice subi par l'entreprise). Cette convocation se fait elle aussi par courrier recommandé.
Vous ne pouvez par contre pas convoquer immédiatement l’employé à l’entretien, le préavis minimum est de 5 jours ouvrables : ainsi, il lui est possible de s’organiser et éventuellement de se faire accompagner d’un délégué du personnel si votre entreprise en comporte.
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L’objectif de cet entretien est que chaque partie puisse s’exprimer : quels sont les faits reprochés, arguments du salarié pour sa défense… Si l’échange est fructueux et aboutit sur un accord, il est possible de transformer le licenciement en “simple” sanction : avertissement, mise à pied... Il se peut également que l’entretien débouche sur la possibilité d’une rupture conventionnelle.
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Si toutefois à l’issue de la rencontre vous restez persuadé que le licenciement est indispensable, vous devez laisser un délai d’un mois (pour les fautes) s’écouler avant d’envoyer à l’employé une lettre de licenciement en recommandé avec accusé de réception. Il faut impérativement invoquer les griefs pour lesquels vous décidez de licencier l’employé. Portez également une attention toute particulière à la convention collective de votre entreprise pour être en règle vis-à-vis des éventuelles dispositions spécifiques qu’elle pourrait contenir. Si vous ne les respectez pas, il est possible que votre ex-salarié vous assigne en justice pour vous réclamer des indemnités !
Remarque : si l’employé ne se présente pas à l’entretien le jour convenu, ce n’est en aucun cas un frein à la poursuite de la procédure. D’autre part, vous pouvez choisir d’organiser un second entretien à une date ultérieure mais rien ne vous y oblige si vous ne le désirez pas (d’autant plus que si après toutes vos demandes vous n’avez pas eu de nouvelles, il y a fort à parier que vous ne reverrez plus la personne !)
Est-t’il possible de remplacer le salarié immédiatement ?
C’est une question très épineuse que se posent beaucoup de chefs d’entreprise.
Ne tournons pas autour du pot, la réponse est non, en tout cas pas en CDI. Enfin pas tant que l’employé est lié à votre entreprise par son contrat de travail et ce, même s’il n’est plus présent dans l’entreprise. Aussi, dans la mesure où vous êtes convaincu que l’employé disparu ne reviendra pas, il convient d’entamer la procédure de licenciement au plus vite pour vous éviter de trop grosses complications (surtout si le poste déserté est d’une importance cruciale pour le bon fonctionnement de la société).
Condamné à attendre de longues semaines pour autant ? Pas forcément. Si vous ne pouvez pas recruter un nouvel employé en CDI pour occuper le poste vacant, rien ne vous empêche en revanche de faire appel à du personnel intérimaire si vous parvenez à trouver une personne qualifiée pour les missions à accomplir. La solution d’urgence peut consister à répartir la charge de travail du disparu à ses autres collègues de travail, mais ce n’est évidemment pas une alternative viable à long terme.
Que faire si l’employé revient travailler ?

Si l’employé finit par réintégrer l’entreprise avant que le processus de licenciement pour faute grave soit terminé, il est en droit de reprendre son travail. A partir de là, 2 cas de figure sont envisageables :
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Si malgré tout l’employé parvient à vous fournir un justificatif valable pour son absence et vous explique la raison qui l'a empêché de donner suite à vos différentes relances, vous serez contraint d’abandonner la procédure disciplinaire et de réintégrer le salarié dans votre entreprise.
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Si le salarié revient et tente de justifier son absence par des arguments fallacieux ou ne souhaite tout simplement pas s’exprimer sur les raisons de sa disparition, vous pouvez alors continuer la procédure de licenciement, mais attention, uniquement pour faute simple ! Comme nous l‘avons signalé plus haut, vous n’avez plus la possibilité de licenciement pour faute grave (puisque le retour dans l'entreprise transforme l’abandon de poste qui est une faute grave en une absence injustifiée qui est pour sa part une faute simple).
Conclusion
Si l’abandon de poste peut être très problématique dans certains cas, n’oubliez pas que vous avez la possibilité d’y faire face en appliquant nos conseils !
Et pour éviter que ce genre de situation se produise, veillez à garder le contact avec le personnel de votre entreprise et d’agir pour régler en amont les difficultés pouvant aboutir à un abandon de poste.
